A écluser les séries sur Amazon, on en arrive parfois à regarder des choses qu’on n’avait pas vraiment prévues ou voulues. Juste parce que cela nous rappelle le passé et quelque chose de bon du passé. C’est l’histoire de Salade grecque.
La suite d’une génération
Salade grecque c’est cela. La suite d’un film générationnel, l’Auberge Espagnole. J’oserai culte sinon emblématique d’une époque et d’une génération. Il y a 20 ans. Merci l’Europe, en ce week-end d’élections ! Europe sur laquelle on s’assoit souvent, d’avoir prévu des programmes d’échanges entre toutes les universités des pays de l’Union. Erasmus.
L’Auberge Espagnole c’est des étudiants qui se retrouvent dans un grand appartement de Barcelone pour y partager un toit, leur culture, leur vie. La scène du frigo où chacun à son étagère est devenue un mode de vie pour colocataire. La base. Je ne suis plus certain que cela se passe toujours ainsi. Je l’ignore pour être honnête.
L’Auberge Espagnole de Cédric Klapisch a été un tel succès qu’ils ont à deux reprises fait la suite. Réussi à chaque fois, les Poupées russes ou Casse-tête chinois. On suit les mêmes personnages avec les années, leur évolution. Une trilogie sympathique à regarder qui annonçait la suite, Salade Grecque.
Amazon rallume la flamme
Amazon Prime a voulu ainsi rallumer la marmite 11 ans après le dernier opus avec une série cette fois de 8 épisodes. L’histoire aurait pu tenir en un film de 1h45 mais l’important est de maintenir le spectateur sur la plateforme donc on dilue, passant ainsi de 1h45 à 7h.
Salade Grecque, nous fait quitter l’atmosphère bon enfant d’un Romais Duris arrivant à Barcelone le sourire aux lèvres. On se retrouve chez les altermondialistes, nihilistes, révoltés. Pétris de certitude et toujours près à embrasser une cause. La jeunesse du moment, une partie de la jeunesse à qui on offre un monde plus dur, c’est vrai. Salade grecque se passe en plein Athènes dévasté par la crise et par la dureté des réformes qu’il a fallu mettre en place pour sauver le pays de la faillite en 2012. Le sauvetage à l’époque de la Grèce s’est joué à un cheveu pour qui voudrait, en regardant la série, un peu trop rapidement charger le FMI. Les élites grecques avaient truqué les comptes publics de manière gigantesque.
… sur une version plus sombre
Cette série n’est vraiment plus joviale, on parle de thèmes difficiles, de migrants. Fini les étagères du frigo et la glande à la guitare. Place aux revendications, versions chiantes, versions manichéennes avec des opprimés et des oppresseurs. Si tu n’es pas dans un camp, tu es dans l’autre. Une version culpabilisatrice des choses. Tout ce petit monde de révoltés, oubliant que si l’occident n’existait pas ils ne pourraient pas prolonger leurs études jusqu’à 25 ans. Études que la plupart quitte pour embrasser une cause.
Les scénaristes ont pris soin de placer toutes les minorités visibles comme on place un produit avec une pancarte autour du cou. Oubliant que la non-discrimination c’est aussi l’indifférence, l’indifférence c’est aussi une forme de pudeur et de respect de l’intime. C’est un film, il fallait des histoires, j’en conviens même si on y va gaiement sur l’élasticité des scénarios.
Il y a un culte du partage avec le bien d’autrui et de la non-propriété que même Marx n’aurait pas rêvé. La petite italienne sérieuse qui veut devenir juge par amour du droit et de l’équité perd ses idéaux en presque 24h rien qu’au contact du groupe.
Il ressort de Salade grecque une certaine déception, je ne vous étonne pas. Une certaine gravité de l’époque, une certaine aigreur. Cela contraste avec l’Auberge Espagnole qui finalement comme certains s’aigrissent parfois avec les années, Salade grecque est la version aigrie des trois autres films.