En 2022, Netflix a sorti une Chef’s Table : Pizza, un spin-off de la sĂ©rie Chef’s Table qui date de 2015.
Si vous avez envie de ne rien faire devant l’écran, je vous suggère de regarder cette série. Non pas qu’il n’y ait pas de contenu bien au contraire, vous allez voyager dans ces vies de cuisiniers. Et ce n’est pas juste un voyage de l’Italie, aux Etats-Unis en passant par le Japon. J’ai cru au premier instant qu’il s’agissait d’une série légère sur la pizza, un truc à regarder pendant l’apéro.
Les témoignages des chefs sont bien plus subtils et profonds que cela. Ils racontent leur joie, leur peine, parfois de manière extrêmement intimes. Comment l’un deux, un Italien, a dû se séparer de sa femme, de ses frères pour vivre son chemin, réaliser son rêve. Dis comme cela, en 40 minutes, cela passe crème. Si on imagine que son chemin a duré 10 ans, cela prend un certain écho.
Deux autres chefs, d’origine asiatique, au Japon et aux Etats-Unis, ont dû s’opposer à leur famille pour frôler le reniement. C’est poignant et cela fera écho dans la tête et le cœur de tous ceux qui s’interrogent sur la vie et veulent donner du sens, sinon un sens à leur métier, à leur vie. Bien entendu, tous connaissent le succès, un succès hors frontière. On voit mal Netflix interroger des gens avec pour conclusion : « bon ben, j’ai essayé et cela a foiré, mes enfants et mes parents ne me parlent plus ».
Côté cuisine, ils ont tous fait « leur » la pizza. La pizza est plus simple à mes yeux que l’ensemble de la cuisine, car cela donne un cadre à la créativité, mais je ne veux pas amoindrir leurs réussites. Déjà à commencer par le fait que leurs images, leurs produits, leurs connaissances de leur art, te donne envie de démonter le frigo. Ensuite, ils emmènent la pizza vers l’excellence, très loin, à des années-lumière de la basique Regina, éponge à graisse et à la garniture semi-congelée.
Ils vont associer des ingrédients peu courants ou essentialisés. L’exemple de Franco Pepe et de sa Margherita Sbagliata est caractéristique. Le chef s’interroge sur pourquoi porter à 400 degrés du basilic frais ou des tomates cultivées avec soin. Il les transforme ainsi en émulsion, en concentré cuit à part. Les mots choisis et nos yeux, lui donnent raison sans réserve.
Il y a également un point récurrent, la proximité de la nature, des produits bruts encore en terre. Un retour du vivant, très tendance, mais on sent que ce n’est pas du simple discours. L’un des chefs, italien lui aussi, Gabriele Bonci, passe carrément de l’autre côté en disant qu’il n’est pas pizzaiolo, mais agriculteur.
Sans aller jusque-là , ni montrer comme Netflix le fait, des cuisiniers le soir qui le matin sont aux champs comme des moines, il demeure que leur attachement, leurs découvertes soufflent le vrai, la poésie, j’ose le terme. « J’ai envie de souffler dans le cœur des gens avec ma cuisine » scande délicatement Yoshihiro Imai.