Marseille, la rue, la vie difficile pour plein de jeunes qui la commence à peine, leur vie. Ils n’ont rien sinon le soleil et l’accent mais cela ne suffit pas. Bien entendu, ils n’ont pas de courage, pas d’instructions, pas de repères. Si repères ils ont, ce sont les mauvais. Sans chance, ils errent dans une vie brutale et pourtant ils sont plein d’espoirs.
Lui est en foyer car sa mère ne sait plus comment le gérer, je la comprends. L’emprise du quartier, les mauvais exemples des grands frères aussi immatures que les petits. Ils ont dix neuf ans, on les voit comme des sages, c’est vous dire la gravité du problème. Des gamins laissés à leurs pulsions et donc à la violence. A ceci vous ajouter la drogue, la débrouille, la prostitution pour de nombreuses jeunes filles comme Shéhérazade.
Une histoire d’amour va naître entre eux, compagnons d’infortune. Shéhérazade est le nom de l’actrice principale. Une histoire d’amour qu’on ne dit pas car les mots manquent. Immaturité oblige. Difficile de vivre avec cent mots de vocabulaire, mots rapidement abandonnés à la vulgarité et à la violence. Seul moyen de communication.
Le film est tellement cru qu’on pourrait le confondre avec un reportage intime sans question. Des reportages à la caméra posée. Je me suis demandé si l’acteur principal avait un rôle de composition avant de me rendre compte qu’il avait fait plusieurs séjours en prison et qu’il était inculpé dans d’autres affaires prochainement (j’écris en 2024) renvoyées aux assises.
D’ailleurs le casting a été réalisé parmi des acteurs non professionnels. C’est plutôt bien joué, les acteurs jouant leur propre rôle. On peut donner au film le crédit de l’authenticité, certainement la motivation première du réalisateur. Shéhérazade a eu de nombreux prix, je n’aurais peut-être pas été aussi loin. J’ignore si les jurys de ces prix ont voulu se racheter une bonne conscience ou mettre en avant un réel dramatique. Pour le coup, je les rejoins.
Régulièrement, on a des films, à commencer par la Haine qui date de 1995, qui nous rappellent le réel toujours plus triste, toujours plus inquiétant. Shéhérazade vient dans cette longue liste pour retémoigner des zones abandonnées par le collectif. Des gamins revenus à une vie primitive comme si 2000 ans d’humanité n’avaient rien apporté. Une frustration ou un besoin et c’est la violence qui s’exprime. Shéhérazade montre tout ceci sans fard ni pudeur.
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