La bande dessinée n’est clairement plus un domaine réservé aux enfants depuis des décennies. Cette bande dessinée le rappelle soulignant aussi que certaines sont des bandes dessinées d’actualité avant même d’aborder la politique. Le journal d’une invasion recueille des récits d’Ukrainiens et de Russes au début du conflit.
Un récit haletant
L’auteur italien a côtoyé des immigrés ukrainiens en Italie ainsi que des réfugiés. De leurs témoignages de l’horreur et de la barbarie d’une guerre qui n’en est pas une (officiellement), il a fait une bande dessinée proche d’un roman graphique. En effet, il y a beaucoup de pages de texte narratives qui s’intègrent dans le récit. Elles se lisent vite car on a envie d’avoir la suite du récit, la suite des éléments de terrain. Ce n’est pas évident de mettre en bande dessinée un propos rapporté, on a plus de narration que de dialogues.
Ce qui est annoncé comme une opération spéciale par le Kremlin est une guerre. Une guerre sale avec de nombreuses victimes. Notamment des Russes. Vlad massacre les Ukrainiens mais aussi son peuple. C’est l’objectivité des témoignages de parler aussi des dizaines, des centaines de milliers de morts russes.
Des victimes indénombrables
Journal d’une invasion s’achève en 2022, j’ai pris soin de chercher des informations sur le sujet qui est un enjeu de désinformation pour le Kremlin. La première victime d’une guerre c’est la vérité. Les Anglais estiment à 360 000 morts russes, le tableau est dense, pour 70 000 Ukrainiens. Attention ce ne sont que les victimes militaires. Il y a des victimes civiles très nombreuses et compter les morts ne réduit pas la douleur des blessés. Selon les estimations on a donc en synthèse 830 000 morts (été 2024 date de parution de notre article) et 35 000 civils tués. Wagner paie aussi un lourd tribut. La Russie fait circuler des crématoriums ambulants pour faire disparaître les corps. Les mères russes qui osent réclamer le corps de leur enfant, sont poursuivies.
Le Journal d’une invasion parle des pénuries et des pillages organisés par les Russes. Les produits pillés sont ensuite redistribués à la population par les Russes qu’ils prennent soin d’appeler aide humanitaire. Les soldats russes ont été envoyés pour une mission de mouvement de troupes qui devaient durer trois jours, avec les rations alimentaires et l’équipement en conséquence. On comprend qu’ils aient eu besoin de piller. Cela fait deux ans.
Des crimes quotidiens
La méthode stalinienne qui date de temps sombres est ressortie du grenier comme si elle n’avait jamais disparu. Piller, tuer, violer, humilier, torturer, massacrer. Des soldats lâchés dans la nature qui commettent chaque jour des crimes de guerre. Ils réalisent des opérations militaires dites « double shot strategy » qui n’a de stratégique que le nom. Ils bombardent des zones puis une fois que les secours sont sur place et que les attroupements se font, rebombardent le même endroit pour s’assurer de faire le maximum de victimes.
Le Kremlin convoque toutes les populations des “autrefois appelées” Républiques satellites. En premier lieu les Tchéchènes qui ont leur propre marquage sur les blindés. Population capable de faire toutes les exactions. Ils ont eu deux guerres sordides et assassines depuis 25 ans, de quoi former une enfant de 5 ans à la guérilla russe. Je remarque jusqu’ils ne sont pas intégrés aux régiments russes.
Les forces bouriates originaires de Mongolie sont celles qui ont réalisé le massacre infâme de Boutcha. Une fois leur sale besogne achevée, elles se sont vu supprimer leur permission. Cynisme de Poutine pour que fatigués les Bouriates subissent des pertes et ne puissent un jour témoigner de leur crime devant une Cour pénale internationale.
Violence et barbarie au paroxysme
Les Russes utilisent des armes thermobariques. Oui, le Journal d’une invasion est fourni en détail. Ces bombes plongent la cible à 2000 degrés pour être sûr que rien ne survive pas même un scorpion. Vu le froid de gueux qu’il y a, peu probable qu’il y en ait (des scorpions).
Ils visent (les Russes) des bus remplis de civils pour les terroriser et les forcer à rester chez eux, pour les massacrer, les violer, les piller à demeure. Ils tuent lors de barrage routier et parfois un enfant de 12 ans car il a l’insigne ukrainien sur son sac. Massacrent et violent des parents avant de les tuer devant leurs enfants pour répandre la crainte du Russe.
Au lieu de cela, ils ont réussi à être haïs même dans les zones russophones prétendument sympathisantes à Poutine et au Kremlin.
Une guerre sans fin et sans mobile
Bien entendu, la Russie est à genou économiquement alors qu’elle a les premières réserves au monde de minerai, matières fossiles etc. la liste est longue des atouts de la Russie. La Russie a besoin de ces 400 ou 800 000 hommes tués et enrôlés. Au lieu de cela, le Kremlin ne donnera au mieux à son peuple qu’une victoire à la Pyrrhus, loin d’être acquise, une mise au ban des nations et une crise économique quant à elles acquises.
Je n’ai pas remis en cause l’objectivité du récit. Aurais-je dû par prudence, je pense que les propos rapportés sont frappés du sceau de la sincérité. Il y a tant de choses à dire du Journal d’une invasion et de la guerre qu’il relate.
Les milliers de disparus et de prisonniers, ces « missing in action » du Vietnam qui ont traumatisé l’Amérique pendant trente ans et peut-être encore aujourd’hui.
Je terminerais par deux choses, d’une part, je n’ai toujours pas compris le mobile de cette guerre et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas. D’autre part, comme Journal d’une invasion se termine, on peut emprisonner et tuer les gens, pas les idées. C’est une des leçons de l’histoire.
Titre original | Quaderni ucraini |
Auteur (Dessin & Scenario) | Igort |
Editeur | Futuropolis |
ISBN | 978-2-7548-3516-9 |
EAN | 9782754835169 |
Nombre de pages | 168 pages |
Traduction | Laurent Lombart |
Date de parution | Février 2023 |
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