Une BD en mode exposé d’école avec moult détails en quatre parties qui décrit la genèse, la croissance et une certaine forme de déclin de Wagner. Société privée à mission militaire. Au programme cynisme, business, massacre à grande échelle. Bienvenue chez Wagner en bandes dessinées !
Du coup de main au coup de force
Comment des militaires ou mercenaires russes venus rendre service au Centrafrique vont peu à peu prendre possession d’actifs du pays, notamment les mines d’or. Ils vont ainsi se rendre compte qu’ils peuvent devenir une société multiservices pour dirigeants africains fatigués ou pour des putschistes fraîchement en place et relativement peu expérimentés.
Le début de la bande dessinée est relativement pénible. Un mélange entre une enquête journalistique et un exposé universitaire. Il y a beaucoup d’acteurs et beaucoup d’actions. Certainement un passage obligé vu la densité du dossier.
Un enchaînement de choses en mode start-up
A partir des opérations en Centrafrique, les choses s’enchaînent et la logique du business donne une certaine fluidité à l’histoire. Quand j’écris business, comprenez trafic, bien entendu. C’est édifiant quand on y pense deux secondes mais c’est aussi extrêmement simple quand on connaît les acteurs en présence. Ainsi, pour vous donner un exemple, les marchandises qui transitent par mer doivent rejoindre le port de Douala. Convois qui se voient souvent attaqués. Problème vite réglé, les Russes mettent deux blindés devant et derrière et deux sur les côtés, fini le rançonnage.
Les premiers braco qui ont tenté ne sont plus là pour témoigner. Au départ seuls 60 camions y participent puis d’autres entreprises du pays veulent en être pour sécuriser leurs échanges. Le convoi atteint 200 véhicules et a lieu cinq fois par semaine. Chaque camion paie 75 euros et 75 000 euros circulent ainsi par semaine entre les mercenaires. C’est simple le business.
A l’arrivée, « ils » stockent, comprenez Wagner stocke, les marchandises et découvrent ainsi de nouvelles choses à faire pour occuper les gardiens des dépôts. Les Russes ont souvent soif, il fait chaud, cela sera de la Vodka. De la vodka à base de gel hydroalcoolique. Je ne suis pas médecin mais je doute que cela soit prophylactique cependant. L’Afrique, son gigantisme, sa violence, les Russes bien que venus du froid comprennent vite.
Mercenaires multiservices
A ce stade, on se dirait que c’est une mafia, une grosse boîte multiservice qui travaille free of charge mais cela va devenir un état dans l’état. L’Afrique a une certaine homogénéité, on passe ainsi d’un pays à l’autre avec les mêmes contraintes, les mêmes besoins et les mêmes règles. Je fais simple, ce n’est pas un cours de géopolitique mais cela a fonctionné ainsi. Wagner s’est déplacé du Centrafrique au Mali. La méthode est la même mais cette fois elle est rodée.
Le Mali essuie des putschs et la guerre civile djihadiste. On est tout de suite moins regardant sur les méthodes quand il y a urgence. Encore plus quand le partenaire historique, la France, n’a pas réussi toutes ses missions et que dans tous les cas, le poids d’une trop vieille relation finit par emporter tout désir d’avenir. La France et le quai d’Orsay se font étriller à plusieurs reprises dans la BD Wagner.
Pour avoir travaillé avec l’armée et vu quelques diplomates, je confirme que beaucoup d’entre eux sont largués ou lâches, aveugles ou suffisants. On comprend mieux le déclin de la France dans le monde. Ils se croient toujours plus malins. Pensant être dans le coup de billard à 8 bandes quand ils en voient un à 3 (bandes). Cependant la diplomatie de Wagner se passe sur le terrain avec ceux qui agissent concrètement même si leurs intentions sont délétères et court-termistes. La France s’en va et se retire. Les diplomates oublient qu’une brute qui marche va plus loin que deux intellectuels assis.
La prospérité Malienne de Wagner
Dans ce contexte, c’est du billard pour Wagner que ces membres appellent la Compagnie. Finalement, que cela soit une entreprise ou une compagnie militaire, c’est les deux à la fois. L’entreprise entretient la compagnie ; la compagnie permet au business de prospérer. Wagner en bandes dessinées l’explique très bien.
Wagner s’implante au Mali, changement d’équipe, changement de méthode, brutale. Exaction, massacre, torture, viol, humiliation. Pas certains qu’ils arrivent à virer les islamistes complètement ainsi mais au moins ils se font craindre. Il faudra des années pour reconstruire des relations saines une fois les Russes partis. Ils ne sont là que pour l’argent, ils finiront par partir. Vous me direz c’est la nature même d’un mercenaire.
Vient ensuite la guerre en Ukraine, je vous conseille la bande dessinée Journal d’une invasion. Visiblement l’idée avant la guerre était de faire tomber Volodymyr Zelensky en l’assassinant. Cela a foiré, vous avez remarqué, donc ils ont lancé la guerre, je ne sais pas si je dois le dire au singulier ou au pluriel, une idée très intelligente. Bien entendu, je suis ironique. Wagner est mis à contribution financièrement et logistiquement. Il faut que les mines d’or africaines tournent à plein pour les combats à Marioupol, Tviv etc… La guerre est un ogre.
Make business not war
Wagner n’arrive pas à fournir, dépassé, les mecs recrutent en prison. La liberté contre une prise de risques, des gros risques. D’un autre côté on a rien sans rien surtout que les taulards qui acceptent ne sont pas en fin de peine et ont plutôt pris 60 piges pour avoir massacré des innocents. Des taulards qui servent de chair à canon envoyés en première ligne pour démasquer les positions ukrainiennes. Une méthode très première guerre mondiale qui au passage explique les pertes colossales.
Les deux fondateurs de Wagner, des oligarques russes issus de la grande époque du n’importe quoi en arrivent même à la conclusion que la stratégie n’aboutit pas en Ukraine, qu’il est nécessaire d’en changer et d’aller parler avec papa Vladimir. On ne peut pas leur reprocher d’être peu patriotes. Poutine, magnanime, les fera assassiner par une bombe et un missile sur un avion après leur avoir promis l’exil en Biélorussie. Les mecs étaient potes avec Poutine, une amitié de trente ans fondée sur l’absence d’état de droit et de dollars par térakilos.
Quand Poutine sera mort, il faudra garder son cerveau dans du formol pour qu’un jour la neurologie nous l’explique.
Titre original | Wagner |
Auteur (Dessin) | Thierry Chavant |
Auteurs (Scénario) | Benjamin Roger & Mathieu Olivier |
Editeur | Les Arènes |
ISBN | 9979-10-375-1111-9 |
EAN | 9791037511119 |
Nombre de pages | 176 pages |
Date de parution | Février 2024 |
Wagner: L’histoire secrète des mercenaires de Poutine
Cette bande dessinée retrace la montée de Wagner, une société militaire privée russe, qui intervient d’abord en Centrafrique, puis au Mali, pour protéger des convois et exploiter des ressources, notamment des mines d’or. Avec des méthodes brutales, elle s’impose dans des pays instables en assurant la sécurité et en profitant du chaos pour faire du profit. Wagner devient un acteur clé en Afrique, remplaçant parfois la France dans certaines régions, avant de jouer un rôle dans la guerre en Ukraine, en utilisant des prisonniers comme soldats. Finalement, les fondateurs de Wagner, proches de Poutine, sont trahis et assassinés. Lire notre…
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